• le 13 novembre 2015...et moi

    J'ai hésité avant de publier quelque chose sur le sujet, de peur d'être maladroite, et puis je me suis dit qu'il fallait que je me jette à l'eau.

    Pour être franche, je me sens un peu "mitigée" par rapport aux événements tragiques qui ont marqué la journée du 13 novembre d'une pierre blanche. Ou plutôt rouge, compte tenu de tout le sang qui a été versé ce jour-là...

    Je n'ai jamais trop su si mon manque d'empathie était réel, ou s'il venait du fait que j'intellectualise toujours trop. Je ne suis pas du genre à me laisser dominer par l'émotion. Je réfléchis, je mets en mots, je réfléchis. Je ressens, certes, de l'horreur, de l'effroi, de la sidération devant tout ce qui s'est déroulé ce 13 novembre, mais à côté de ça, très égoïstement sans doute, je me sens "à l'abri" parce que je peine à m'identifier aux victimes.

    Je me sens comme une extraterrestre brutalement arrivée sur Terre, qui serait témoin d'un horrible massacre dont les humains seraient les victimes... Je sais, c'est sûrement bizarrement formulé, c'est probablement très moche aussi, mais...c'est ainsi, je ne peux pas prétendre le contraire.

    Que ce soit clair, ce qui est arrivé me parait horrible, épouvantable, effroyable. J'ai passé la journée d'hier sur les réseaux sociaux, à réagir aux différents posts, à remercier les gens qui me demandaient de mes nouvelles (notamment une correspondante américaine, la première qui m'a laissé un message pour me demander si j'allais bien, et la première à m'avoir appris l'étendu du désastre, car je n'en savais rien avant d'aller sur FB ! Je ne regarde jamais la télé en direct, et je n'écoute jamais la radio...), à chercher des informations sur l'enquête, à relayer des posts pour aider à localiser des disparus. J'ai aussi mis une bougie sur ma fenêtre, j'observerai la minute de silence lundi midi, je n'aurai probablement pas très envie de rigoler dans les jours qui viennent... Mais...

    ...toujours, il y a ce problème d'identification.

    Moi, je ne sais pas ce que c'est que d'avoir le coeur à faire la fête. J'ignore ce qu'est ce besoin de se rassembler autour d'un concert. Cette envie d'aller retrouver des amis au restaurant du coin, pour partager un repas et des rires. Du coup j'ai le sentiment qu'il me manque...quelque chose. Je ne sors jamais de chez moi après 18h00. Je ne suis jamais allée dans un bar, à un concert, à un festival, que sais-je. Je ne vais au restaurant que deux fois l'an, et encore, quand je n'ai pas trop le choix. J'ai poussé le vice jusqu'à acheter un appartement totalement planqué, retiré de la rue, que personne ne parvient à localiser, pas même le facteur. Moi, je suis le genre de personne à tirer les rideaux dès que la promenade du chien est terminée, pour ne les rouvrir qu'à 8h00 le lendemain matin. Moi, je suis le genre à éteindre les lumières si quelqu'un vient frapper à la porte, pour ne pas avoir à aller ouvrir. Moi, je fais la quasi totalité de mes achats sur Internet. Je choisis de sortir aux moments creux, quand les magasins et les rues sont vides, je bénis d'ailleurs l'épicerie de quartier qui ouvre très tôt et me permet de fuir le gros de la foule. Moi, je ne vais jamais dans les centres commerciaux, je n'aime pas ça, et ça réveille l'agoraphobe qui sommeille en moi... Moi, je n'ai pas d'amis pour qui m'inquiéter. Mes relations se comptent sur les doigts d'une main... Moi, je vis dans ma bulle, en tête à tête avec moi-même.

    Evidemment je sais que le risque zéro n'existe pas. En 2001 j'ai failli me retrouver sur le trajet d'un taré qui avait décidé de dégommer tout le monde à Tours. Si je n'avais pas eu l'envie bizarre de sécher les cours (chose que je ne faisais jamais), je me serais trouvée pile sur son chemin, et Dieu sait ce qui aurait pu se passer. Malgré tout... Ma différence est là, et je ne parviens pas totalement à cerner ce que ces gens ont ressenti ce soir-là. Ni ce que les rescapés ressentent et ressentiront toute leur vie.

    Et du coup, je me questionne... Je me questionne sur cet égoïsme qui me parait tellement naturel chez moi, et sur tout ce qu'il entraîne comme conséquences. Je me sens moins atteinte que la majorité (probablement parce que beaucoup de personnes se disent "mince, j'aurais pu y être" alors que pour moi la problématique n'est pas là, je SAIS que je n'aurais jamais pu me trouver à un concert, à une terrasse de restaurant...surtout pas à une heure qui pour moi est une heure "tardive", surtout pas dans des lieux aussi fréquentés...)... L'absence d'identification, toujours... 

    Très cyniquement aussi, je me dis que ce qui est fait est fait. On ne pourra pas revenir en arrière. Ni ressusciter les morts. Désolée pour le côté morbide et défaitiste de l'affaire. J'ai toujours fonctionné ainsi, même pour le décès de proches...

    Malgré tout, je me questionne toujours. Car j'ai conscience du côté malsain de cette attitude. Et quelque part je me dis qu'il serait temps que je m'ouvre sur le monde, que je sorte de ma bulle, que j'essaie de m'identifier aux autres, que j'arrête de me comporter en extraterrestre perdue sur une planète inconnue. 

    Je me dis que si j'avais un peu plus d'ouverture sur le monde extérieur, si je vivais moins en cercle fermé, je me sentirais peut-être plus concernée... Je ne sais pas...

    Je me questionne...

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 22 Novembre 2015 à 10:39
    Mabiblio1988

    Tu ne ressens peut-être pas les choses comme nous mais tu ne donnes absolument pas l'impression de ne pas être concernée par les événements. Tu as été touchée par eux mais d'une façon différente. Et alors ? Où es le problème ?

    J'ai envie de te dire bravo d'oser partager un tel ressenti, si personnel ici.

    2
    Dimanche 22 Novembre 2015 à 20:14

    Merci ! Je crois que j'intellectualise trop en fait ! ^^

    3
    Lundi 23 Novembre 2015 à 17:41
    Mabiblio1988

    Je pense que tu as tout fait raison... Qu'est-ce qui est le "mieux" : trop intellectualisé ou trop prendre à coeur ?

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