• Une histoire d'étiquettes...

    J'ai ouvert ce blog pour partager mes lectures, mais aussi dans le but de parler de ma petite expérience personnelle et, pourquoi pas, de casser les idées reçues sur le Syndrome d'Asperger, dont on parle très peu (et souvent très mal)...

     Un mot qui change tout...

     

    Ce Syndrome, je vis avec depuis toujours, mais j'ai longtemps ignoré son nom. Je ne savais même pas qu'il y avait un terme pour désigner toutes les bizarreries qui me rendaient différente du commun des mortels. On m'a donné bien des étiquettes au fil des années. Petite, j'étais "trop couvée par ma mère", j'étais "une enfant gâtée" (fille unique, en plus, pensez donc !), j'étais "maladivement timide", "renfermée", "méfiante"... En grandissant, les étiquettes se sont élargies comme pour suivre ma croissance. J'étais donc "égoïste", "snob", "dédaigneuse", voire de l'avis de certains médecins : "dépressive", "agoraphobe", "phobique sociale", "anxieuse"... De ces étiquettes-là, je n'ai toujours pas réussi à me défaire. Quand je vais voir le médecin pour une toux tenace et que je me plains de mes difficultés à bien dormir (à cause de la dite toux) il n'est pas rare qu'il essaie encore de me refiler un anti-dépresseur pour favoriser l'endormissement... *soupir*

     

    J'ai donc passé les trente-et-une premières années de ma vie en traînant derrière moi une multitude d'étiquettes, comme d'autres traîneraient leurs casseroles. Au lycée, je vexais régulièrement mes camarades en refusant de m'asseoir à côté d'elles, et je passais pour le balai-brosse de service en me mettant systématiquement au premier rang, sous le nez du prof, parce que je savais bien qu'à cette place personne ne chercherait à s'asseoir à côté de moi. Je me suis fait hurler dessus par les profs de sport et par les autres élèves parce que j'étais trop empotée pour faire quoi que ce soit et que j'avais toujours peur de tout (du ballon, des cris, de l'agitation...). Je suis passée pour l'originale de service parce que je préférais manger un sandwich dans une salle de classe déserte plutôt que de partager le brouhaha pénible de la cantine. Et puis n'oublions pas les yeux écarquillés de mes camarades quand j'avouais sans l'ombre d'une honte que, non, en effet, avoir un petit ami ne m'intéressait en aucune façon et que je ne voyais pas trop en quoi c'était bizarre...

     

    J'ai longtemps cru qu'une fois adulte, les choses seraient plus faciles. J'entends par-là qu'être enfant, puis adolescente (surtout le modèle d'ado que j'étais, calme, obéissante, introvertie) c'est devoir se soumettre à l'autorité ambiante. Celle des parents. Celle des profs. Celle des adultes en général. Une fois "grande" et sortie du système scolaire, je me suis dit : "youpi, maintenant tu t'en fiches d'être différente, tu es libre de vivre comme tu l'entends". En théorie, c'est vrai. En pratique, ça n'a pas changé grand-chose. En fait, par certains côtés, plus je vieillis, plus mes différences se remarquent, et plus on me le fait remarquer... Moi, j'estime avoir pourtant bien réussi ma vie. J'ai terminé mon cursus scolaire "normal" (oui, d'accord, j'ai laissé tomber la fac après un an et demi, mais c'était pour commencer à travailler !), j'occupe le même emploi depuis une bonne douzaine d'années et j'ai même réussi à intégrer la Fonction Publique, je suis propriétaire (enfin, "accédant à la propriété" comme on dit) de mon appartement depuis 2010. Et j'ai même un chien. Je précise, parce que c'était en gros comme ça que je voyais mon avenir : boulot, appart, toutou. De mon point de vue, donc, everything is perfect. Mais du point de vue extérieur, pensez donc, ce serait trop simple. Pourquoi ? En partie parce que je suis toujours aussi solitaire qu'au premier jour de mon existence. Je n'ai pas d'amis véritables. Je sais qu'on me considère comme une amie, je sais aussi que l'inverse n'est pas toujours vrai. Je ne vais jamais chez personne. Je n'invite jamais personne chez moi, ou alors une fois l'an, et en me forçant. Je n'ai jamais eu l'ombre d'une relation sentimentale. Pas même une amourette. Et ça ne m'a jamais fait envie. C'est clairement une dimension de l'existence qui m'indiffère totalement et complètement. Et puis, comble du comble, j'ai toujours répété à haute voix que je ne voulais ni mari, ni enfants. Que je me voyais bien vieillir seule, au milieu de mes livres. Cet aveu épouvantable, associé aux deux éléments précédemment cités, me rend visiblement digne d'être exposée comme un monstre de foire.

     The Secret of Moonacre

     

    Durant toutes ces années, j'ai fini par penser que j'étais un peu un cas "unique", je m'imaginais presque exposée au Muséum d'Histoire (Sur)Naturelle, arborant pour le coup une autre étiquette, encore plus large que les précédentes : Bizarrum Solitairum Monstrum (hum, désolée pour les Latinistes !!) ou quelque chose du genre... Et puis un jour, un peu par accident, j'ai essuyé une autre remarque acerbe (par Internet celle-là) parce que j'avais juste dit que je peinais à comprendre pourquoi les gens dramatisaient toujours leurs périodes de célibat, et j'ai éprouvé le besoin de raconter par le détail à quoi ressemblait mon existence. Et là, quelqu'un m'a dit "mais tu ne serais pas Asperger, toi ?" Mon premier réflexe a été de me dire : "Asperger ?? Mais c'est de l'autisme, ça, et je ne peux pas être autiste !" Mon second réflexe a été de me documenter un peu sur le sujet. J'ai donc découvert, et d'une, qu'Asperger était une forme très légère d'autisme, sans difficulté d'apprentissage, sans comportements autistiques tels qu'on se l'imagine, mais avec effectivement une énorme difficulté à s'intégrer dans la sphère sociale. De fil en aiguille, j'ai réalisé qu'effectivement, je collais totalement au profil. Même sur des détails dérisoires auxquels je n'avais jamais accordé une grande importance, comme par exemple mon côté autodidacte très confirmé, mon hypersensibilité à la lumière, mon odorat surdéveloppé, et surtout cette énorme fatigue physique que j'éprouve après chaque interaction sociale.

     

    J'ai commencé par fréquenter quelques forums spécialisés, puis j'ai fait des tests en ligne. Plus j'en apprenais, plus je m'auto-évaluais, et plus je réalisais qu'effectivement j'étais très certainement Asperger. J'ai fini par en parler à mon généraliste, qui m'a orientée vers une confrère psychologue, lequel confrère m'a fait passer quelques petits tests supplémentaires avant d'en venir à la conclusion qu'il y avait en effet 95% de probabilité que je sois Asperger. Le diagnostic définitif ne pourra être fait que via le CRA, et j'avoue que pour l'heure je réfléchis toujours sur l'utilité de faire ou de ne pas faire ce bilan... C'est aussi un peu pour ça que j'ai éprouvé le besoin d'ouvrir cet espace, pour faire le point, échanger avec d'autres et bien analyser tout ça avant de prendre ma décision.

     

    Je suis persuadée d'avoir trouvé la bonne étiquette, reste à savoir si j'ai envie de la garder dans ma poche ou de la coller pour de bon...

    « L'extinction des Mammouths et autres histoires...Mais Asperger, c'est quoi au juste ?? »

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  • Commentaires

    1
    Samedi 25 Avril 2015 à 19:19
    Caro Bleue Violette

    Je trouve ça très chouette que tu parles ouvertement d'Asperger sur ton blog, ces derniers temps je suis très militante "maladies mentales " (bien qu'Asperger n'en soit pas une à proprement parler puisque le syndrome n'est pas d'origine psychique), j'en ai assez que tous ces sujets soient tabous et de lire ou d'entendre d'énormes conneries à leur propos. 

    Je comprends maintenant pourquoi on m'a soupçonné un Asperger parce que j'ai vraiment beaucoup de points communs avec toi :-) Mais non, aucune trace d'autisme chez moi, je suis simplement une vraie névrosée antisociale lol. 

    Pour le reste, que veux-tu, dès qu'on ne rentre pas dans le moule, ça ennuie les gens... c'est pénible mais j'ai fini par comprendre que ça ne changerait pas

    Si toi tu te sens bien comme ça et que ta façon de vivre te rend heureuse, c'est ce qui compte, les autres on s'en tape ! 

    2
    Samedi 25 Avril 2015 à 21:59

    @ Caro : tout à fait... Mais le hic, c'est qu'à force de t'entendre prédire que tu finiras par regretter, parfois tu peux être tentée d'y croire ! Il faut vraiment bien se connaître pour lutter contre ces espèces de lavage de cerveau qui se répètent a l'infini... J'ai de la chance de ce côté là car j'ai toujours su ce que je voulais et ce que je ne voulais pas, mais je sais qu'il y a des gens moins bien lotis qui peuvent finir par en souffrir... 

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